De quoi parle-t-on?
Les prix de transfert désignent « les prix des transactions entre entreprises d’un même groupe et établies dans des États différents« , détaille le Bulletin officiel des finances publiques, qui s’inspire de la définition de l’OCDE.« Ils supposent des transactions intragroupes et le passage d’une frontière. »
Or « les transactions intra-entreprises constituent la majorité des transactions commerciales dans le monde », (de 50 à 66 % selon les estimations), relève Quentin Parrinello, porte-parole d’Oxfam France sur la justice fiscale.
La fixation des prix de transfert doit respecter le principe de « pleine concurrence »: les tarifs pratiqués au sein d’un même groupe ne doivent pas différer significativement de ceux qui auraient été facturés sur le marché à une autre entreprise.
Etude de cas avec McKinsey:
Qu’est-ce qui est reproché à McKinsey?
Selon la commission d’enquête du Sénat sur le recours par l’Etat aux cabinets de conseil, « les entités françaises de McKinsey (…) versent des ‘prix de transfert’ à la société mère pour compenser des dépenses mutualisées au sein du groupe ». Or ces prix de transfert « sont d’un montant tel qu’ils participent à rendre le résultat fiscal (de McKinsey) en France nul ou négatif, depuis au moins 10 ans », soulignent les sénateurs, qui accusent le cabinet de n’avoir payé aucun impôt sur les sociétés en France entre 2011 et 2020.
La Chambre haute soupçonne les deux principales entités françaises de McKinsey d’avoir artificiellement gonflé les prix de transfert versés à la maison mère – basée au Delaware, un Etat américain dont la fiscalité est réputée favorable aux entreprises – pour échapper à l’impôt. Et ce malgré un chiffre d’affaires de 329 millions d’euros en 2020 et des effectifs d’environ 600 salariés sur le territoire français, selon les chiffres avancés par le Sénat.
McKinsey a payé l’impôt sur les sociétés « les années où le cabinet a réalisé des bénéfices en France », a répliqué le spécialiste du conseil.
« S’agissant des prix de transfert, McKinsey a une approche qui n’est pas spécifique à la France », a-t-il ajouté.
Quels sont les montants en jeu ?
Sollicitée par l’AFP, la Direction des finances publiques (DGFiP) a assuré ne pas être en mesure d’évaluer le montant annuel des redressements fiscaux imposés aux entreprises qui auraient manipulé leurs prix de transfert. Un contrôle fiscal est « global », a indiqué la DGFiP, et « ce n’est pas possible d’isoler uniquement les prix de transfert ».
Attac France affirme pourtant qu’en 2019, 355 redressements basés sur l’article 57 du Code des impôts, qui encadre les prix de transfert, ont été opérés. Les montants dus par les entreprises concernées atteindraient 1,2 milliard d’euros.
A titre de comparaison, en 2008, le ministère du Budget indiquait avoir bouclé 350 dossiers de redressements liés à des prix de transferts, pour un total de plusieurs milliards d’euros.
Quelle est l’étendue des pratiques de manipulation?
La manipulation des prix de transfert « est une pratique largement établie, c’est le b.a.-ba de l’optimisation fiscale », estime Quentin Parrinello. En France, ce sont notamment les multinationales américaines qui sont soupçonnées de s’y adonner.
En 2014, L’Express avait ainsi épinglé McDonald’s, dont les restaurants français étaient accusés de verser des redevances aux succursales suisse et luxembourgeoise du mastodonte de la restauration rapide.
Les géants du numérique font également l’objet d’une surveillance accrue, la numérisation des échanges mondiaux contribuant selon Quentin Parrinello à aggraver les tentatives de fraudes aux prix de transfert.
« Aujourd’hui, la valeur des entreprises est beaucoup plus assise sur des biens intangibles, notamment des brevets de propriété intellectuelle », relève-t-il.
Difficile, donc, de comparer la valeur de tels biens intangibles aux prix du marché et de caractériser une infraction au principe de pleine concurrence.
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